*Ainsi commencent les légendes*

Introduction

Rarement autant d'enjeux auront pesé sur un film! Comment adapter sur grand écran l'oeuvre mondialement connue, et si chère au coeur de ses lecteurs, de Tolkien? Trahison ou pas trahison? Le débat est loin d'être clos à l'heure qu'il est... Ne comptez pas sur moi pour apporter des réponses définitives à cette épineuse question. Les discussions houleuses sur la représentation des Elfes, la disparition de Tom Bombadil, la façon dont Gandalf retrouve son chapeau et son bâton perdus se feront sans moi. Le problème de l'adaptation d'un livre au cinéma ne date pas d'hier et chacun voit les choses à sa façon. Il s'agit ici de parler d'un film et je m'en tiendrai là, dans la mesure du possible. De plus, il ne faudrait pas oublier un autre enjeu au moins aussi important à mon avis : le retour du grand cinéma de divertissement ; celui qui déplace les foules et fait rêver, quel que soit l'âge du spectateur. De ma vie, je n'avais jamais vu autant de gens, de tous âges et de toutes origines, courir d'un cinéma à l'autre pour voir LE film. Alors, bien sûr, on peut regretter la tournure mercantile que prennent les choses ("achetez mes belles figurines!"), mais le "phénomène" Lord of the Rings reste tout de même franchement réjouissant, d'autant plus que beaucoup de spectateurs se tournent maintenant vers les livres.

Fiche technique

Sorti en décembre 2001 partout dans le monde... Durée : près de trois heures!

Réalisateur : Peter Jackson
Scénaristes : Peter Jackson, Fran Walsh et Philippa Boyens, d'après les romans de J.R.R. Tolkien.
Musique : Howard Shore (+ deux chansons d'Enya)
Distribution (noms anglais) :
Frodo Baggins : Elijah Wood
Gandalf : Ian McKellen
Samwise "Sam" Gamgee : Sean Astin
Peregrin "Pippin" Took : Billy Boyd
Meriadoc "Merry" Brandybuck : Dominic Monaghan
Aragorn ("Grand Pas") : Viggo Mortensen
Boromir : Sean Bean
Gimli : John Rhys-Davies
Legolas : Orlando Bloom
Arwen : Liv Tyler
Elrond : Hugo Weaving
Galadriel : Cate Blanchett
Bilbon : Ian Holm
Saroumane : Christopher Lee...

*Bilbon le hobbit et "son" anneau*

Résumé

La vie s'écoule paisiblement dans la Comté, pays des insouciants hobbits, sur les Terres du Milieu. Bilbon, qui autrefois était parti à l'aventure avec des compagnons étranges, s'apprête à donner une grande fête pour ses 111 ans. Son neveu, Frodon, accueille à cette occasion le mystérieux Gandalf, adoré des enfants pour ses merveilleux feux d'artifice. Mais Bilbon a secrètement décidé de quitter la Comté. Il organise sa propre disparition grâce à un anneau mystérieux ramené de ses voyages, qui a le don de rendre invisible celui qui le porte. Intrigué, Gandalf intervient et constate avec méfiance que le petit objet exerce une influence inquiétante sur son vieil ami. Il persuade donc Bilbon de laisser l'anneau en "héritage" à Frodon. Tourmenté par d'anciens souvenirs, Gandalf disparaît à son tour pour mener une enquête sur la vraie nature de cet anneau. La réponse dépassera ses pires craintes...

Avis

"Un anneau pour les gouverner tous..."
C'est sur cette citation, que les lecteurs de Tolkien connaissent par coeur, que s'ouvre le film. S'ensuit une scène de bataille à couper le souffle. Afin de rendre les choses plus claires pour les "non-initiés", Peter Jackson a reconstitué la guerre qui opposa autrefois Sauron, le seigneur des ténèbres, aux elfes et aux humains ayant fait alliance pour le vaincre. Cette reconstitution bienvenue donne lieu à l'une des scènes les plus impressionnantes qu'il m'ait jamais été donné de voir! Le mot "épique" reprend enfin tout son sens, et un rêve de lecteur s'anime. Après ce démarrage en trombe, la suite des évènements paraît bien calme, mais quel plaisir de voir la Comté prendre vie à son tour! Et la scène de retrouvailles entre Gandalf et Frodon est un pur moment de bonheur. Ensuite, il faut reconnaître que le rythme du film ralentit un peu. Normal, direz-vous, une oeuvre tellement dense ne peut se raconter en une heure trente! Seulement j'ai quand même ressenti, le long du film, quelques longueurs. C'est difficile à expliquer, vue la matière narrative, mais n'oublions pas que le premier roman lui-même est en grande partie une exposition. Cela n'efface en rien les qualités de scènes intenses, comme celles se déroulant dans la Moria ou la dernière partie du film!

Quant aux différences avec la trame du roman, justement, j'y reviendrai dans une dernière partie que je déconseille d'avance à ceux qui n'ont pas encore vu le film (et lu les livres, tant qu'à faire). J'aimerais maintenant m'attarder sur la mise en scène pure... Bien que n'étant pas spécialiste en la matière, j'ai été éblouie par certains effets et horripilée par d'autres. Cela dit je ne vous propose qu'un avis purement suggestif. J'ai un problème avec les caméras virevoltantes, d'autres adorent... J'ai souvent regretté que Jackson n'ait pas opté pour des travellings calmes ou des plans-séquences contemplatifs qui auraient mis plus en valeur les décors (splendides!) ou les relations entre les personnages. Certes, il faut de la virtuosité pour mettre en scène des passages tourbillonnants, mais ce cinéma-là ne me touche pas. Mes regrets sont d'autant plus vifs quand je songe à la scène réunissant Bilbon et Frodon après leur départ de la Comté. Là, la caméra est vraiment au service de l'émotion et des acteurs (et Ian Holm de prouver, si besoin était, toute l'étendue de son talent!).

Venons-en maintenant aux scènes de combat. La bataille rangée du début est dantesque, mais les affrontements entre les membres de la communauté et leurs opposants m'ont paru un peu... brouillons. Cela serait dû au fait que Jackson voulait éviter l'interdiction au moins de douze ans, et montrait ainsi moins de sang et de violence. Je m'insurge, pour deux raisons! Artistiquement, une scène de combat vaut pour sa chorégraphie. Et depuis le temps que l'on se plaint de voir Tolkien cantonné dans la littérature pour jeunesse... il faut savoir ce qu'on veut! D'autant plus qu'à mon avis La Communauté de l'Anneau n'est pas un film pour enfant. L'ambiance est oppressante, le mal est palpable et de nombreux moments sont effrayants. Bref, Jackson a fait un choix qui me paraît contradictoire et regrettable. Ceci n'engage que moi. Je dois reconnaître une qualité à cette façon d'aborder les combats : on ressent très clairement à quel point il peut être terrifiant et déboussolant d'être jeté au coeur de la bataille.

Je finirai avec la partition d'Howard Shore. La musique est au service du film ; une vraie musique de cinéma, donc. L'ensemble est plutôt épique et sombre. Personnellement, je trouve le tout très correct, sans être mémorable, et la voix d'Enya est incroyable. Bien, donc, à défaut d'être très bien (à l'image du film?).

Je réalise que cet avis peut sembler négatif en fin de compte. Loin de moi cette idée. La Communauté de l'Anneau est pour moi un très bon film ; j'ai vraiment eu l'impression par moments de voir le livre s'ouvrir et s'animer. J'ai rêvé, ri et pleuré. Le retour au monde réel m'a paru difficile. Mais la perfection n'existe pas et nous attendions tous trop de ce film. Qui plus est, il faudra voir la trilogie dans son intégralité pour l'apprécier pleinement. Le temps fera le reste.

*Une scène déchirante...*

Des personnages de papier au grand écran

Pour étoffer cet article, je souhaite revenir sur les personnages principaux (et ils sont nombreux!) et la façon dont ils ont été représentés. Cette partie contient de nombreuses révélations et je préfère me répéter : que ceux qui n'ont pas vu le film passent leur chemin!

Les hobbits

Frodon

Sans aucun doute le personnage le plus héroïque de la saga, car il se voit confier une tâche qui le dépasse et le terrifie. Devenir "le porteur de l'anneau" est plus une malédiction qu'un honneur, et Frodon, malgré sa pureté et son surprenant sens des responsabilités, sera peu à peu rongé par son fardeau. Elijah Wood, passionné par son personnage, s'en tire à mon avis très honorablement, même s'il ne correspond pas du tout à l'image que je me faisais du personnage (je le voyais plus mûr). Son regard est un peu encombrant, mais bon...

Sam

Tranquille jardinier et fidèle ami de Frodon ; son dévouement ira jusqu'à l'héroïsme... Sam est un personnage très attachant et j'aime beaucoup l'acteur qui l'incarne. Son choix à la fin du film donne lieu à une scène émouvante au possible. Sa fascination presque enfantine pour les elfes n'est pas vraiment rendue...

Merry

Franchement, il n'a pas une bonne tête, notre Merry? Jeune hobbit turbulent, il suit Frodon sans avoir la moindre idée de ce qui l'attend réellement, simplement par amitié. Son inconscience sera de courte durée et le personnage prendra sa véritable dimension au fil du temps (autrement dit dans les prochains "épisodes", mais son courage transparaît déjà fugitivement).

Pippin

J'avoue avoir beaucoup de mal à me faire à la tête de l'acteur, mais ce n'est pas très objectif. Pippin est le "gaffeur" de la bande, et m'a effectivement fait rire dans une scène. Pour l'instant il est quand même plus irritant qu'autre chose... Reste à savoir si nous le verrons "grandir", lui aussi.

Bilbon

*Voir photo plus haut*
Ayant atteint un âge très avancé, même pour un hobbit, Bilbon est las de son existence tranquille au sein de la Comté. Encore malicieux malgré son expérience, il a porté l'anneau de longues années et en paie maintenant le prix. Ian Holm, déjà familier de Tolkien, est un acteur magnifique.

Gandalf

Personnage adoré des lecteurs, Gandalf le Gris est presque une catégorie à lui tout seul, car ce n'est pas un humain, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Compagnon d'aventures de Bilbon, ami de Frodon, ce magicien extrêmement puissant mène pourtant une vie simple et se montre parfois facétieux. Son amour "déraisonnable" pour la Comté et ses habitants (la réflexion que lui fait Saroumane à ce sujet est très drôle!) l'amènera mine de rien à tout comprendre avant tout le monde. Ian McKellen est prodigieux dans le rôle, mais c'est normal : c'est un acteur shakespearien.

Les humains

Aragorn

Rôdeur mal léché, crasseux et fatigué, Aragorn porte lui aussi un destin écrasant en dépit des apparences. Viggo Mortensen s'est beaucoup investi dans ce rôle, cela se voit. Mais en choisissant de mettre ce personnage en avant, Jackson a, à mon sens, un peu trahi le sens de l'oeuvre. En faire un "super-guerrier" dès le premier film n'était pas forcément nécessaire.

Boromir

Fils de l'intendant du royaume de Gondor, Boromir a un haut sens des responsabilités et est tourmenté par le destin, peu enviable, de son peuple. Fier et belliqueux, c'est un personnage profond et bouleversant. Sean Bean est, à mon avis, impressionnant!

Le nain

Gimli

Unique représentant de sa race au sein de la Communauté, Gimli est un personnage généreux et impétueux, drôle et courageux. Je ne reproche rien à l'acteur, mais je ne peux décidemment pas me faire à la façon dont on représente les nains à l'écran, ou comment de grands guerriers et bâtisseurs deviennent de simples faire-valoir comiques (et où a-t-on écrit que les nains louchaient horriblement et avaient une patate à la place du nez???). Je ne m'y ferai jamais! Espérons que ça s'arrangera un peu par la suite...

Les elfes

Legolas

"Jeune" prince venu de forêts lointaines, Legolas se range spontanément aux côtés d'Aragorn. Archer de premier ordre, il sera précieux lors des combats. Cependant sa sagesse n'est pas réellement mise en valeur ici... Quant à l'acteur, je n'ai rien à lui reprocher non plus, ma foi. Beaucoup se sont arrachés les cheveux sous prétexte qu'il n'était pas assez "elfique" (et de même pour les autres elfes, d'ailleurs!). Je trouve ce débat assez creux personnellement. Toujours est-il que le personnage est un peu sous-exploité pour l'instant.

Arwen

L'"étoile du soir de son peuple", fille du seigneur Elrond, grande dame elfe, est amoureuse d'un "simple" mortel : Aragorn. En renonçant à son immortalité, elle symbolise le déclin du pouvoir des elfes en Terres du Milieu. J'avais beaucoup de craintes concernant ce personnage. Jackson semblait vouloir la faire passer du statut d'icône inaccessible à celui de guerrière directement impliquée dans les évènements. C'est un peu plus subtil que ça, et j'avoue apprécier la façon dont Arwen a été mise en avant. L'actrice est ravissante.

Elrond

Grand seigneur elfe, ayant participé jadis à la guerre contre Sauron (en tant que simple écuyer de Gil-Galad, si je ne me trompe, mais on ne va pas chipoter!). Résidant à Fondcombe, c'est lui qui provoque le conseil où naîtra la Communauté. Un personnage d'une puissance, d'une sagesse et d'un charisme renversants. J'aime beaucoup Hugo Weaving et je trouve qu'il s'en sort tout à fait correctement, vue la difficulté. Le phénomène Matrix étant encore récent, c'est difficile de ne pas penser à son rôle d'agent, mais le temps remettra les choses à leur place.

Galadriel

Aaaah, dame Galadriel...! Dame puissante s'il en est, vivant retirée dans les bois de la Lothlorien, elle porte l'un des trois anneaux destinés aux elfes. La Communauté fera étape dans son royaume végétal, où chacun recevra présents et prédictions. Cate Blanchett m'a pleinement convaincue dans ce rôle. Les puristes reprochent à Jackson d'avoir montré concrètement la "tentation" de Galadriel; personnellement je trouve l'idée géniale! Par contre, je regrette amèrement la façon dont Jackson a "expédié" le passage dans la Lorien, essentiel sur bien des points. C'est d'ailleurs le seul reproche majeur que je lui ferais...

Les "méchants"

Les Nazguls

Les neufs esprits servants de l'anneau, autrefois rois humains, tombés sous l'emprise des ténèbres. Puissants et terrifiants, ils ne vivent que pour l'anneau unique dont ils peuvent sentir la présence, bien que leurs sens ne soient pas vraiment adaptés au monde "normal".Ils suivront donc Frodon comme son ombre. A mon avis, ils sont très bien représentés à l'écran, y compris dans le monde des ténèbres où Frodon peut les voir, et inversement, lorsqu'il porte l'anneau.

Saroumane

Aaaaaah, Saroumane! Sans doute le plus puissant des Istari (comprenez mages ; une race à part dont Gandalf fait également partie), Saroumane le Blanc s'est vu corrompre par le pouvoir des ténèbres, à cause d'un Palantir (une pierre de vision) tombé entre ses mains. Il crée une nouvelle race maléfique, les uruk-Hais, et semble vouloir récupérer l'anneau pour son propre compte. Magnifiquement "incarné" par Chritopher Lee, acteur légendaire réalisant ici un vieux rêve, Saroumane est un personnage fascinant. Jackson a choisi de montrer à l'écran son affrontement avec Gandalf, qui n'était que suggéré dans les livres. Je ne sais trop que penser du résultat, mais c'est quand même un moment réjouissant.

Gollum
Je n'ai pas de photo de Gollum, et c'est aussi bien, car il n'apparaît encore que furtivement, et le résultat est saisissant! Ancien hobbit ayant immédiatement succombé au pouvoir de l'anneau, Gollum a vu sa vie se prolonger au-delà des limites du raisonnable, et sous une forme dégénérée. Bien qu'ayant perdu l'anneau au profit (si l'on veut...) de Bilbon, Gollum est encore en son emprise et ne cessera de chercher à récupérer son "trésor".

En conclusion, je pense que Peter Jackson a adapté le roman avec beaucoup d'intelligence et de perspicacité. Je n'ai qu'un seul regret : le passage dans la Lorien. Où sont les arbres à feuilles dorées? Où est la générosité de Galadriel? J'aurais tant aimé entendre la prédiction qu'elle adresse à Legolas, car elle en dit long sur la nature elfique! Cela dit on ne peut pas tout avoir, et rien ne nous empêche de (re)lire Tolkien, sachant qu'un film et un livre sont deux choses bien distinctes. Beau travail, donc!

*Gandalf et Saroumane au temps de leur amitié...*

Vous pouvez acheter le dvd via ce lien !