Un bon coup de poing "dans ta face" ou un projet raté?
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Introduction
Attendu comme un évènement, Battle Royale, grand succès au Japon,
mais aussi film "scandaleux", arrive enfin en France. L'idée de départ
est géniale : les adolescents devenant incontrôlables, la loi Battle
Royale oblige les élèves d'une classe tirée au sort à s'entre-tuer. Un
"survivor" poussé à l'extrême, béni par les média et le gouvernement...
L'auteur, Kenta Fukasaku, est assez peu connu en France mais admiré par
John Woo et Tarantino. Signalons au passage qu'il a plus de 70 ans! La
présence de Takeshi Kitano, en "special guest star", ajoute à l'intérêt
du film (qui, à mon avis, tiendrait beaucoup moins la route sans lui).
Battle Royale a déjà trouvé ses fans, qui l'ont hissé sans hésiter au
rang de film-culte. Personnellement, je n'irai pas jusque là... mais je
pense néanmoins que si vous avez l'occasion de voir ce film, que ce
soit dans les salles obscures ou en vidéo, c'est une expérience à faire.
Encore faut-il avoir le coeur bien accroché!
Fiche technique
Sorti en 2000 au Japon (et récemment en France. Censuré aux Etats
Unis...). Durée : 1h53.
Réalisateur : Kenta Fukasaku
Scénariste : Kenta Fukasaku, d'après le roman de Hiroharu Takami
Musique : Masamichi Amano.
Distribution :
Shuya : Tatsuya Fujiwara
Noriko : Aki Maeda
Kawada : Taro Yamamoto
Professeur Kitano : Takeshi ("Beat") Kitano
Mitsuko : Kou Shibasaki
Kiriyama : Masanobu Ando...
*Une "mise à mort"
parmi d'autres*
Résumé
"En 2002, le Japon s'effondra."
Délinquance juvénile, déscolarisation, violence... Comment ramener la
jeunesse nipponne dans le droit chemin? La loi Battle Royale est
instaurée...
Nous suivons une classe (de lycée, probablement) partant en voyage
scolaire. Une joyeuse agitation règne dans le car. Et puis... Shuya
Nanahara se réveille pour voir ses camarades plongés dans
l'inconscience, et des "hôtesses" équipées de masques à gaz. C'est tout
ce qu'il aura le temps de voir. La classe est amenée sur une île isolée.
L'armée est là, ainsi qu'un de leurs anciens professeurs. Une pimpante
vidéo explique aux élèves tétanisés qu'ils ont eu la "chance" d'être
tirés au sort pour participer à Battle Royale. Ils ont trois jours pour
s'entre-tuer. Passé ce délai, il ne doit rester qu'un seul survivant,
qui gagnera le droit... de rentrer chez lui. Mais s'il reste plusieurs
élèves en vie, le collier placé autour de leur cou explosera. Pour
corser le tout, deux "participants", inconnus et dangereux, se sont
joint à la classe, et certaines zones de l'île sont interdites. Chaque
élève reçoit un sac contenant des vivres, une carte, et une arme au
hasard. Le "jeu" peut commencer.
*Deux innocents
isolés*
Avis
"En 2002, le Japon s'effondra". Cette phrase sonne comme un coup de
tonnerre pour qui s'intéresse tant soit peu au pays du soleil levant.
Car le Japon, ce n'est pas que la terre promise des amateurs de mangas
et de jeux vidéo... Kitano, justement, a déclaré dans une interview, il
y a déjà longtemps, qu'il "attendait de voir le japon s'effondrer".
Comment en est-on arrivé là? Imaginez que vous êtes un(e) jeune
japonais(e), citadin(e) moyen(ne). Vous voyez votre mère s'étioler à rester
au foyer, votre père rentrer ivre tous les soirs tant la vie de
"salary man" est insupportable. Et tout ça pour être renvoyé à
cinquante ans, sans espoir de retrouver du travail. Alors, étudier dur
et entrer dans une grande entreprise, ça vous tente toujours autant? Le
taux de suicide au japon est catastrophique à l'heure actuelle. Par
contre, la criminalité est quasi inexistante. Mais cela peut-il encore
durer, alors que les jeunes refusent enfin de continuer à payer la
facture d'un système social désuet et désastreux?
Bien sûr, Battle Royale ne concerne pas uniquement le japon, mais il
me semblait important, sur un site dédié à une certaine culture, de
rappeler certains faits. Fin de la parenthèse.
"Ce film devait être fait", ai-je lu sur internet. Oui, il fallait
parler de l'effondrement de nos sociétés et d'une possible dérive
sécuritaire... mais pas forcément comme ça. Je l'ai dit et je le
maintiens : l'idée de départ est géniale. Mais je trouve le film en
lui-même très inégal. Hésitant constamment entre réalisme cru (les
morts sont lentes et douloureuses, de véritables calvaires... à croire
qu'il faut rappeler au spectateur quelques vérités élémentaires : tuer
quelqu'un "en vrai" c'est horrible) et invraisemblances. Comment se
fait-il par exemple que les élèves tombent des nues alors que Battle
Royale est largement couvert par les média? Certaines scènes sont
tellement poussées qu'il semble évident que Fukasaku s'amuse. Le thème
s'y prête pourtant assez mal! La mise en scène n'a rien de mirobolant à
mon avis... dommage. La musique composée pour le film, trop insistante
à mon goût, m'a énervée, alors que l'utilisation de morceaux classiques
est plutôt gouleyante (je n'en dis pas plus). Il y a de nombreuses
bonnes idées. Les armes sont distribuées injustement ; couvercle de
poubelle contre mitraillette... qui gagne à votre avis? L'analyse des
comportements possibles est très convaincante : refus, tentatives de
regroupement, rébellion, repli sur soi, acceptation sans scrupules...
Mais il s'agit tout de même d'adolescents d'une quinzaine d'années. Les
scènes de tueries sont donc parfois parasitées par des préoccupations
sentimentales qui nous ramènent sur les bancs du collège. Pourquoi pas,
après tout... L'idée du décompte des victimes, qui s'affiche à l'écran
comme dans un jeu vidéo, est bien pensée mais devient vite lassante.
Certains se diront même : "Oh non, encore 22 morts à subir!". Bref,
Battle Royale est pour moi un film un peu foutraque, heureusement
politiquement très incorrcet, qui aurait pu être un chef d'oeuvre, si
le scénario et la mise en scène avaient été à la hauteur du sujet.
Dernier et suprême paradoxe : comment dénoncer la violence tout en
l'étalant? Car, je l'avoue, je me suis amusée à voir tous ces jeunes
mourir. Amusée... hum.
*Le professeur
et l'armée...*